Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/176

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récentes et aux dures exigences des temps où nous vivons, avait affirmé à nouveau le don qu’il avait reçu des fées à sa naissance de se plier aux circonstances et d’être le Messie attendu, chaque fois que s’en présentait l’occasion. La deuxième scène de Madame Brimborion touchait à peine à sa fin que la salle, déjà fixée, saluait de ses ricanements l’inspiration exhumée de Clapisson et de Loïsa Puget. Et c’était en effet très bien ; oui, c’était vraiment très gentil, cette musiquette fredonnée à la chanterelle des violons, rappelant les chevrotements tremblotés d’une aïeule au berceau d’un nouveau-né, et évoquant par son accouplement à la poétique extravagante d’Hamiet l’idée d’un monstre assemblé à un autre ; quelque chose comme la femme colosse et la petite princesse Tom Pouce.

— Ça, fit Maudruc qui, de la coulisse, tendait vers les bruits de la salle une oreille expérimentée, c’est l’emboîtage dans dix minutes.

Mais Hamiet s’en moquait un peu !… Il avait pris Cozal sous le bras ; il l’entraîna jusqu’en son cabinet, où, de la même voix dont, marchant à la mort, Danton répétait à Camille : « Laisse donc cette vile canaille » :

— Laisse donc cette misère, lui dit-il. Assieds-toi ; prends une cigarette, et ne me fais pas plus longtemps une figure de quatre mètres vingt qui jure avec ta distinction native comme avec ta coupe de cheveux. Nigaud, va ! qui croit que je le lâche et qui crie à la trahison, quand je viens justement à lui, un galion entre les bras !… Assieds-toi, je te dis ! Fume ! Écoute !… et surtout pas un mot de ce que tu vas entendre !… pas un souffle, à qui que ce soit !

Ayant dit, lui-même prit une chaise, et Barnum inconscient,