Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/255

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jeudi, à la brasserie. Fichtre ! tu as la mémoire courte !

Lui, cependant, cherchait toujours.

— D’Angèle, d’Angèle ? Je veux être pendu…

Mais brusquement.

— Ah oui ! Eh bien ?

— Eh bien, déclarai-je, ça y est !

— Bah ! fit-il tranquillement ; c’est vrai ?

— Parfaitement vrai. Comme tu m’y avais engagé, je suis allé chez toi hier, j’ai emmené Angèle à Sannois, je l’ai grisée comme une petite caille, et tout s’est passé le mieux du monde. C’est, maintenant, pour avoir l’honneur de te remercier.

Il m’avait écouté, très calme, un mince sourire au coin des lèvres.

— Tu la fais bien, dit-il d’un air malin.

Je bondis.

— Quoi, je la fais bien ? Tu crois que c’est une blague ?

Il sourit :

— Tiens !…

— Ah ! par exemple, m’écriai-je, ceci est bien la chose du monde à laquelle je m’attendais le moins ! Et sur quoi te bases-tu, je te prie, pour croire à une plaisanterie ?

— D’abord, si c’était vrai, répondit Laurianne, tu ne viendrais pas me le dire ; et puis ensuite, mon vieux, tu sais, le jour où Angèle me trompera, ce ne sera pas avec toi.

— Très bien ! dis-je ; voilà une pierre dans mon jardin que je suis ravi d’y recevoir : elle m’enlèverait mon dernier remords si j’en eusse conservé quelqu’un ! Rien de tel comme un coup de fer rouge sur l’amour-propre pour cicatriser les scrupules ! Décidément, tu as pour moi toutes les prévenances. Donc,