Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/30

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exécuté un demi-tour selon les principes, et, par les rues en précipices que crénelait de baroques découpages la clarté blanche et silencieuse de la lune, elle cavalait agréablement, laissant la traiter de tous les noms et sacrer à gueule que veux-tu, Hour, que sa lourdeur attachait au rivage.

Où elle allait ? Ce qu’elle devenait ? Problème !… Deux, trois, quatre jours, plus ou moins, on n’entendait plus parler d’elle ; et tout à coup, un matin que l’artiste, en attendant de se lever, mâchonnait des amertumes entre son tabac et le pot de chambre, la porte s’ouvrait d’une poussée et une voix de gavroche, gaie et jeune, demandait :

— Il est là, le phénomène ?

Le phénomène, c’était Hour. Peut-être cette révélation n’était-elle pas indispensable à la clarté de ce récit.

Après un court silence :

— Cinq jours ! fit Cozal. Diable, voilà qui devient sérieux. Je serais inquiet, à votre place.

Hour, qui avait des finesses d’éléphant, des malices cousues de cordes à puits, se donna l’air de ne pas comprendre ; et un admirable spectacle fut celui de son masque effaré, aux paupières battantes, aux prunelles hagardes, demandant des explications aux atomes épars de l’espace.

— Pourquoi inquiet ?… Sais pas ce que vous voulez me dire. Il le savait si peu qu’il ne laissa même pas à son interlocuteur le temps de lui répondre : « Mais si. »

— Qu’elle crève !

Il lâcha le mot comme un vomissement, à pleine gueule.

Après quoi, calmé :

— Chameau !… Enfin, c’est fini. Il n’est que temps.

L’autre leva l’épaule.