Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/31

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— Ouat ! Vous en seriez bien fâché.

— Vous dites ?

— Je dis, reprit Cozal avec une grande douceur, que vous en seriez bien fâché. Car, ce n’est pas pour vous faire des reproches, mais je commence à la connaître.

À ces mots, une fureur sacrée s’empara de Stéphen Hour. D’un bond, il fut debout sur son lit, ayant écarté de son bras le drap qui le couvrait tout à l’heure et qui maintenant cachait en partie le plancher. Et de sa bouche, où bafouillaient des empâtements exaspérés, tombèrent d’informes propos, des bégaiements indistincts, des choses vagues : incohérente et atroce symphonie, soutenue pourtant du leitmotiv obligé : la gloire et l’immortalité compromises, pour une salope, d’un artiste de qui la puissante organisation avait jadis transporté d’enthousiasme les beaux esprits de Vanne-en-Lorraine et MM. les Mussi-Pontains !…

Cozal l’excitait sournoisement, bien que donnant la comédie de quelqu’un qui cherche à apaiser. Au fond, il était comme Hélène, il adorait faire écumer le gros homme, dont le visage cramoisi lui apparaissait alors le plus grotesque et le plus récréatif du monde. Et il avait des restrictions, il esquissait des moues d’incrédulité, il opposait aux tonitruances de Hour d’humbles et traîtres « Permettez ! » faits pour cingler de verges cuisantes l’auteur de Cueillons les Roses, l’amener petit à petit à des crises voisines de l’épilepsie. Il mit le comble à la mesure en insinuant avec une tranquille douceur que le plus grand musicien de tous les temps, passés, présents et à venir, était un esprit léger, qui parlait à tort et à travers, disait : « Je ferai ci, je ferai ça », et n’y pensait plus le dos tourné. Une linotte, enfin !…