Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/32

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Une linotte !…

Le mot n’avait pas été dit que Stéphen Hour était déjà au piano ; ses mains lancées de droite et de gauche, à la volée, comme des cloches, soulevaient des flots d’harmonie.

— Et voilà ce que j’irais sacrifier à une gueuse ?

Au même instant, Hélène, elle-même, apparut dans le cadre de la porte ouverte.

— Tiens, le phénomène est à poil ! dit-elle.

— Ah ! c’est toi, cria Stéphen Hour. Hors d’ici, poison ! Hors d’ici !

Elle ne s’émut point. Simplement, tendant la main à Cozal :

— Bonjour, vous.

— Bonjour, petite fille.

— Ça va bien ?

— Bien. Merci. Et vous ?

— Sortiras-tu, tonnerre de Dieu ! reprit Hour, de qui se coloraient les joues en violacés apoplectiques. Cozal, chassez- moi cette ordure, ou je la jette à la rue avec une pelle.

Hélène répondit dédaigneuse :

— Ne fais donc pas tant de chichis. Je t’ai dégoté une position : cinq francs par soirée, le dîner et les bocks.

La jeune Hélène, en effet, avait trois spécialités : elle était insensible aux coups ; elle mentait avec un toupet désarmant ; elle trouvait toujours quelque chose, au cours de ses disparitions.

Gosse, elle était déjà comme ça. L’air candide, le sourire aux lèvres, le bras dans l’anse du panier, elle revenait censément de l’école (en réalité Dieu sait d’où !…) et l’ébahissement de sa mère était de découvrir en ses poches des tas d’objets qui y étaient venus tout seuls : des bouchons, des boutons, du