Aller au contenu

Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

venir lui grignoter les pieds comme une bande de petites souris. Le jeune homme lui donna la chasse, la rejoignit en un angle de la chambre, où elle s’affala bruyamment, masse grouillante, hurlante, bafouillante, qui battait l’air de ses jambes et de ses bras, protestait de son innocence et s’insurgeait contre l’iniquité du châtiment qui l’attendait. Cozal, lui, jouait l’inexorable.

— Point de pitié pour les insolentes qui font « Je t’en ratisse » aux personnes, répétait-il. D’ailleurs, il n’y a plus rien à faire ; le tribunal a prononcé la peine.

Enfin, pourtant, il désarma.

Érigé en Cour suprême, il rendit un nouvel arrêt confirmant, quant au fond, le jugement du tribunal de première instance, mais ajoutant qu’eu égard aux antécédents de la coupable et aux remords dont elle témoignait, il y avait lieu de lui appliquer le bénéfice de la loi Bérenger. Ensuite de quoi, ce magistrat, dépourvu de toute vergogne, réclama le prix de sa clémence.


III

Deux jours plus tard, par la plus délicieuse des après-midi – l’arrière-saison a des clémences, elle aussi – Robert Cozal vint s’attabler à la terrasse du Cardinal. Il revenait du bureau de poste où on lui avait remis, sous pli clos, une lettre de Marthe Hamiet, si délicieuse, en vérité, si débordante de sincérité et de tendresse, qu’il en était encore malade d’émotion. Il avait donc résolu d’y répondre sans plus tarder, et, s’étant fait apporter de l’encre et un cahier de papier à lettres, depuis déjà un instant il demandait aux lointains du boulevard