Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/80

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lie le fiel amer des déceptions, si, affirmant une fois de plus sa présence, le mouvement perpétuel dont sa tête d’oiseau avait résolu le problème ne l’eût fait aiguiller sur la supposition, puis sur l’espoir, puis sur l’absolue certitude d’une lettre de Marthe Hamiet l’attendant là-bas, à la poste.

Ça ne traîna pas. En cinq minutes il fut prêt ; ses chaussures aux pieds, son chapeau sur la tête.

En route !…

Rue Jean-Jacques-Rousseau, devant le guichet encombré de la poste restante, il faillit crever d’un coup de coude le sein gonflé de lait d’une nourrice et se colleter avec un frotteur dont il avait chahuté la musette de velours grenat en jouant de l’épaule pour arriver premier et être servi avant tout le monde. Du reste, il n’y avait rien pour lui, circonstance dont il se refusa énergiquement à accepter la cruauté.

— Comment rien ?

— Non.

— Vous n’avez pas une lettre aux initiales M. H. 31 ?

— Non, je vous dis !

— Ce n’est pas possible, voyons ! Vous avez mal cherché. Regardez encore un peu voir.

L’employé, qu’il agaçait, l’envoya purement et simplement coucher. Il se retira en déclarant que le ministre des postes était un de ses amis et qu’il se plaindrait à lui.

Il vivait un peu en jeune roi, dans son jardinet de Montmartre, ayant accoutumé de plier à ses caprices les petits riens de l’existence devenue ainsi sa servante très humble. Le fait qu’il avait cru à une lettre de Marthe lui avait acquis le droit de l’attendre ; le fait qu’il ne la reçut pas le jeta tour à tour à la fureur hargneuse d’une personne frustrée dans son dû,