Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/83

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au tribunal de la pénitence, qui baisent le sol et se frappent du poing la poitrine en braillant : « C’est ma très grande faute ! », assoiffés de dire leurs égarements et de se créer des titres à la clémence du Seigneur. Cozal puisa dans ses remords des accents tout à fait touchants, des images d’une tenue littéraire très soignée. C’est ainsi qu’il compara Marthe se collant le nez dans la blanchisseuse Anita, à un oiseau qui se casse les ailes au moment où il rentre au nid, – figure singulièrement poétique dans sa justesse absolue – et que suivirent diverses allusions discrètes à ces phénomènes de suggestion qui poussent les gens à accomplir les actes les plus monstrueux sans qu’ils en soient responsables. Exemples : les hystériques de la Salpêtrière et les pauvres petits amoureux, qui se font pincer avec de jeunes apprenties, en flagrant délit d’infidélité. Malheureusement, avec sa rage de ne dire les choses comme personne et de donner une idée saisissante de l’émotion qui l’agitait, il finissait, gagné à sa propre éloquence, par ne plus distinguer les phrases tombées de sa plume qu’à travers un voile larmoyant, quand :

— Vous ne m’offrez rien ? fit une voix.

Il leva le nez.

Devant lui, une blonde superbe souriait, les doigts plongés en les pochettes d’un petit tablier moiré où tremblait le vert changeant d’une sacoche de peluche.

Un peu surpris :

— Tiens, fit-il, c’est une brasserie de femmes, ici ?

— Vous ne vous en étiez pas aperçu ? reprit la vierge à la sacoche. Vrai, ce que vos amours vous absorbent ! Hein, c’est à Elle que vous êtes en train d’écrire ? J’espère que vous lui en dites !