Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de ce philosophe. En même temps apparut la face de Gütlight, aux lèvres en vain agitées sur une riposte qui ne venait pas.

— Les petits cochons… les petits cochons… répétait-il.

Il ne sortait pas de ces trois mots, qu’il pressentait pouvoir servir de thème à une apostrophe sanglante. Malheureusement, dindon qui voit bien quelque chose mais ne sait trop pour quelle cause il ne distingue pas très bien, il s’en tenait à ces vagues prémices avec une obstination désespérée, cependant qu’Hamiet, agacé, l’achevait d’ahurir de ses :

— Quoi ? Où voulez-vous en venir avec vos petits cochons ? Voulez-vous un démêloir ?

Il finit par n’insister plus.

— C’est bon, cria-t-il, je me comprends.

Et il se comprenait si bien qu’il le prouva sans plus tarder, en se lançant toutes voiles dehors dans une imitation grotesque et admirable de Frédéric Hamiet en mal d’invention. Lâché au hasard de ses pas par les diagonales de la pièce, les yeux en boules de crottin et la bouche en boîte aux lettres, il agitait son chapeau au-dessus de sa calvitie, saluant ainsi au passage, d’un geste de bourgeois cocardier qui acclame les Saint-Cyriens à la revue du 14 juillet, le plus extraordinaire énuméré d’âneries, de sottises, d’extravagances, qu’ait oncques suggérées la rancune à l’imagination d’une grosse bête dupée.

— Étonnant, criait-il. Sublime ! J’achète toute la rue de Rivoli et j’en démolis les maisons, que je reconstruis la tête en bas ! Quelle plus-value pour les mansardes ! Je les louerai six mille francs par an comme un liard ! Total : trente millions de bénéfice !… au moins.

Ou :

— Grandiose ! Magnifique ! Superbe !… La plus grande