Page:Courteline - Messieurs les ronds-de-cuir, 1893.djvu/68

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Il avait une calligraphie à lui, une bâtarde fantaisiste, pétaradante d’enjolivements et d’arabesques, à la fois superbe et illisible. Et tandis que les pages noircissaient à vue d’œil sous le galop précipité de sa main, sa pensée aussi galopait, le ramenait à Gabrielle qui, décidément, commençait à tenir dans sa vie une place un peu plus grande, peut-être, qu’il n’eût été à souhaiter.

Il la revoyait telle qu’elle était, toute mignonne et casquée de clair, point jolie, certes, mais à coup sûr bien plus que cela, avec son nez troussé d’une chiquenaude et son éternel sourire de petite Parisienne bavarde et mauvaise langue. L’épaisse ligne de ses sourcils lui coupait en deux le visage, d’une barre touffue et jalouse ; sous son menton, une ombre de potelé se formait, qui se noyait en l’ombre du col, s’allait perdre au diable vauvert, en d’autres ombres plus épaisses…

Brusquement un coup de fouet le cingla, le sang lui monta au visage ; car voici qu’il l’avait vue nue, que de ses mains, une fois encore, il l’avait tenue au bord du lit — ramené un mois en arrière, au soir inoubliable de la première possession. Sous le flot des jupes troussées dont