Page:Courteline - Un client sérieux, 1912.djvu/50

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d'une vie qu'il ose proclamer sans tache, une fin qui serait un écroulement et qu'empoisonnerait à jamais la honte d'un casier judiciaire!

Boissonnade. --- Et vous demeurez indifférent à une douleur si ingénue? Et l'acte de contrition où s'humilie ce pauvre homme ne vous apparaît pas comme la plus éclatante de toutes les réparations? Quel appétit de vengeance!

Le gendarme. --- Pardon! Une supposition que, moi, je l'aurais appelé visu?

Le baron. --- Eh! appelez-moi comme vous voudrez, pourvu que vous ne m'appeliez pas en police correctionnelle. Trois mois de prison, mon Dieu!... Voyons, vous êtes père de famille; de lourdes charges vous incombent, et, sans vouloir me faire l'apôtre de certaines revendications sociales, j'oserai dire que l'Etat ne reconnaît pas toujours avec la générosité souhaitable le mérite de ses serviteurs... Le militaire n'est pas riche, comme le dit une chanson célèbre... Si je pensais qu'une indemnité raisonnable, de cent cinquante à deux cents francs...

Boissonnade. --- Etes-vous fou, baron?

Le gendarme, fronçant le sourcil. --- Vous dites?

Le baron. --- Je dis que si une petite somme de vingt-cinq louis, par exemple...

Le gendarme, sévère, mais juste. --- Tentative de corruption envers un fonctionnaire public. Je porte plainte entre les mains du dépositaire des lois.

Boissonnade. --- Ça y est!

Le baron, qui ne comprend pas. --- Quoi?

Boissonnade. --- Le délit est flagrant! Article 179! Trois mois à six mois. C'est bien simple!

Le baron, qui devient fou. --- Six mois de prison... Six mois de prison... Gendarme, à la fin, prenez garde!

Le gendarme. --- Plaît-il?

Boissonnade. --- Baron!

Le baron, le sang aux yeux. --- La moutarde me monte, gendarme!... et je commence à me demander de quoi je ne serais pas capable!... à quelles extrémités fâcheuses...

Le gendarme,