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VII
PRÉFACE

printemps de 1640. Il se bat à tout propos, pour rien, pour le plaisir, comme Caussade. Si les reines ne le choisissent pas en guise de champion, les dames sont loin de le dédaigner. Ses aventures sont nombreuses, d’autant qu’il fait preuve d’un aimable éclectisme. Cabaretière, soubrette, femme de partisan : tout lui est bon. Il les préfère jeunes, belles, bien faites — et généreuses ; il l’avoue sans vergogne. Ses trois amis, Athos, Porthos et Aramis, sont du même avis et logent à la même enseigne.

Les maris ne prennent pas toujours la plaisanterie du bon côté, quoique « Paris soit la ville du monde où il se fasse impunément le plus de cocus », comme l’écrit d’Artagnan. Quand ces maris se rebiffent, on joue de l’épée, on s’envoie des pistolades par la figure, on saute en chemise par les fenêtres. Les commissaires s’en mêlent, avec leurs archers ; c’est une épopée cocasse, où les coups de trique jouent au besoin leur rôle.

Si d’Artagnan s’attaque à des femmes de qualité, les maris, ou les ayants-droit, ne se soucient pas de risquer l’intégrité de leurs peaux contre un diable incarné qui manie si prestement la rapière. Ils soldent des assassins, des « bretteurs » qui tombent sur notre homme au coin d’un carrefour. D’Artagnan y laisserait ses os, dix fois pour une, s’il ne possédait un talisman. Au cri de « À moi, mousquetaires ! » sortent des tavernes, des cabarets, un essaim de hardis lurons, francs du collier, qui reconduisent les bretteurs comme chiens qu’on fouette.