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Page:Courtilz de Sandras - Mémoire de Mr d’Artagnan, tome premier, 1700.djvu/32

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ſa Majeſté de regretter la perte de la lettre de recommandation, que j’avois pour Mr. de Treville. Ce que je venois de faire m’y alloit introduire plus avantageuſement que toutes les lettres du monde, & même me procurer l’honneur de faire la réverence à mon Maître. La joye que j’en eus, me fit trouver la nuit bien plus longue que pas une que j’euſſe paſſée de ma vie. Enfin le matin étant venu, je ſortis du lit, & m’habillai en attendant qu’Athos, Porthos & Aramis me vinſſent prendre, pour me preſenter à leur Commandant. Ils vinrent quelque tems après, & comme il n’y avoit pas loin de chez moi, chez Mr. de Treville, nous nous y rendîmes bientôt. Il avoit commandé à ſon Valet de Chambre, que d’abord que nous ſerions dans ſon Antichambre, il nous fit paſſer dans ſon Cabinet. La porte en étoit interdite à tout autre, & cela s’étant executé à nôtre arrivée, Mr. de Treville n’eût pas plûtôt jetté les yeux ſur moi, qu’il dit à ces trois Freres qu’ils ne lui avoient pas dit la verité, quand ils lui avoient dit que j’étois un jeune homme, qu’ils lui devoient dire, bien plûtôt que je n’étoit qu’un enfant, puiſqu’en effet je n’étoit pas autre choſe. Dans un autre tems j’euſſe été bien fâché de l’entendre parler de la ſorte, parce que par ce mot d’enfant il ſembloit que je duſſe être exclus du ſervice, juſqu’à ce que l’âge me fut venu ; mais ce que je venois de faire parlant en ma faveur, bien plus que ſi j’euſſe eu quelques années davantage, je crus que plus je paroiſſois jeune, plus il y avoit de l’honneur pour moi. Cependant comme je ſçavois que ce n’étoit pas le tout que de faire ſon devoir, ſi l’on n’avoit encore l’eſprit d’aſſaiſonner ſes actions d’une honnête aſſurance, je lui répondis très-reſpectueuſement, que j’étois jeune à la vérité, mais que tout jeune que j’étois, je tuërois bien un Eſpagnol, puiſque j’avois déjà eu l’adreſſe de mettre un Capitaine d’un vieux corps hors de combat. Il me ré-