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Page:Courtilz de Sandras - Mémoire de Mr d’Artagnan, tome premier, 1700.djvu/33

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pondit fort obligemment qu’en diſant cela, je ne me donnois encore que la moindre partie de la gloire qui m’étoit duë, que je pouvois dire auſſi, que j’avois deſarmé deux Commandans de Places, & un Commandant des gens d’Armes, qui valoient bien tout du moins un Capitaine de vieux corps ; qu’Athos, Porthos & Aramis lui avoient conté la choſe tout comme elle s’étoit paſſée, qu’ils convenoient de bonne foi, que ſans moi ils n’euſſent peut-être pas remporté ſur leurs ennemis l’avantage qu’ils avoient fait, & principalement Athos qui avoüoit même que ſans le ſecours que je lui avois donné, il eût eu de la peine à ſe tirer des mains de Juſſac ; qu’il n’en avoit pas encore parlé à ſa Majeſté, parce qu’il ignoroit toutes ces circonſtances, quand il avait eu l’honneur de l’entretenir de nôtre combat ; mais que maintenant qu’il le ſçavoit il ne manqueroit pas de le lui apprendre ; qu’il le lui diroit même en ma preſence, afin que j’euſſe le plaiſir d’entendre de ſa propre bouche, les loüanges qui m’en étoient duës.

Je fis le modeſte à un diſcours comme celui-là, quoi que dans le fonds il ne m’en put guéres tenir qui me fut plus agréable, Mr. de Treville fit mettre dans le même tems les chevaux au caroſſe, & s’en fut voir Bernajoux qu’il connoiſſoit particulierement. Il vouloit ſçavoir de lui apparemment de quelle maniere s’étoit paſſé nôtre combat, non qu’il révoquât en doute ce que les trois Freres lui en avoient dit, mais pour pouvoir aſſurer le Roi qu’il tenoit les choſes d’un endroit qui ne lui devoit point être ſuſpect, puiſque c’étoit de la bouche même de ceux à qui nous avions eu affaire. Il nous dit cependant de venir dîner avec lui, en attendant qu’il fut revenu de ſa viſite, nous nous en fumes dans un Tripot qui étoit tout auprès des Ecuries du Luxembourg. Nous ne fimes que balloter, métier où je n’étois pas trop habile, & ou, pour mieux dire, j’étois fort ignorant, puiſque je ne l’avois ja-