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SECTION 1

SYSTÈMES « A PRIORI »


CHAPITRE I

DESCARTES

Le grand philosophe français a exprimé son opinion sur le problème de la Langue universelle dans une Lettre au P. Mersenne du 20 novembre 1629[1]. Son ami et correspondant lui avait envoyé un placard ou prospectus imprimé, en latin, d’un auteur inconnu, contenant six propositions relatives à une langue universelle. Descartes commence par discuter ces propositions, en essayant de deviner leur sens, avec une tendance visible (qui est un trait de son caractère) à n’y trouver rien de merveilleux, rien qu’il n’eût pu inventer lui-même sans peine. Nous citons le passage le plus intéressant de cette discussion, parce qu’il contient un programme de langue artificielle qui a été réalisé de nos jours :

« Pour la signification des mots, il n’y promet rien de particulier ; car il dit dans la quatrième proposition : linguam illam interpretari ex dictionario, qui est ce qu’un homme un peu versé aux langues peut faire sans luy en toutes les langues communes… Ce qui empesche que tout le monde ne le pourroit pas faire, c’est la difficulté de la grammaire ; et je devine que c’est

  1. Édition Clerselier, t. I, no 111, p. 498 ; éd. Cousin, t. VI, p. 61 ;  éd. Adam-Tannery, t. I, p. 76 (Paris, Cerf, 1898).