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Page:Couvreur - Poésies, 1908.pdf/24

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Des voix ont consolé parfois ta rude marche.
Des prophètes divins, portant devant toi l’arche,
Chantant dans le désert des chants victorieux,
Ont, les regards levés, montré du doigt l’étoile
Que la foi nous découvre et que la raison voile,
Et marqué pour un temps sa place dans les cieux.

Heureux qui put, au son de ces chansons divines,
L’esprit et le cœur pleins, s’asseoir dans les ruines,
Au milieu des débris du grand labeur humain,
Et reposer, certain de l’aurore éternelle,
Son désir affranchi de toute ardeur mortelle
Et ses pieds déchirés aux ronces du chemin !

Bien-aimés enchanteurs, ô prophètes, poètes,
Musiciens, berceurs de nos peines secrètes,
Ô ravisseurs du feu que garde un dieu jaloux,
Quand brillent vos esprits comme des traits de flamme,
Un éclair d’infini vient transpercer notre âme ;
Le mystère divin se manifeste à nous.

Mais votre voix s’est tue, et la pensée humaine,
Déployant hardiment sa marche souveraine,
Recommence sans vous son libre et fier effort ;
Elle va le front haut dans les nuits sans étoiles,
De son geste intrépide écartant tous les voiles,
Embrassant d’un coup d’œil la science et la mort.