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Page:Création, octobre 2019, 4.djvu/6

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Alors que la crise sociale sans précédent qui traverse la France tend à se résorber sans pour autant trouver d’issue, il nous a semblé opportun de tirer les premières leçons de ces derniers mois et de nous risquer à certaines conjectures. Une divine surprise ? Tout d’abord, pour inattendue qu’elle ait été, cette crise n’en n’était pas moins prévisible. Elle était même attendue comme l’être aimé par tous les militants patriotes. La gabegie généralisée d’un régime qui a tout bradé de notre pays sauf les ponctions fiscales et le mépris de classe ne pouvait opérer longtemps sans susciter de réaction. Que l’État, les partis, mouvements ou syndicats aient été pris de cours n’a rien d’étonnant cependant. A titre personnel, avant le 17 novembre, l’auteur de ces lignes n’aurait, en effet, pas parié un euro sur l’avenir de cette mobilisation qui apparaissait comme une énième initiative mort-née, portée par de braves gens un peu naïfs… A partir du début du mois de décembre 2018, tous les regards portés sur ce mouvement avaient changé. L’imprévu dans l’histoire… En revanche, les observateurs installés affirmant qu’ils n’avaient rien vu venir mentent ou font planer de sérieuses craintes sur l’état mental d’une partie de nos « élites ». Si le mouvement a surpris car nouveau dans ses formes, son recrutement, et son intensité, son irruption n’était pas si inattendue. Les retardataires de la politique française Cependant, et pour commencer, cette réaction est bien tardive – ce qui a sans doute contribué à la surprise générale d’ailleurs. Beaucoup ont affirmé qu’il s’agissait du contrecoup du référendum trahi de 2005, ce qui serait une raison supplémentaire d’espérer. Avant de s’en réjouir, il faudrait réaliser ce que cela signifierait : le contrecoup arriverait 13 ans après ledit évènement (11 ans si l’on compte à partir du traité de Lisbonne). Il aurait ainsi fallu plus de dix ans au peuple français pour réaliser que le régime avait fait sécession avec sa population. Entretemps, il y eut la crise de 2008, les réformes libérales des quinquennats Sarkozy et Hollande, et bien d’autres indices de plus en plus voyants témoignant de cette Sécession. De plus, l’élément déclencheur a été une taxe « écologique » sur le carburant, une goutte d’eau fiscale qui a fait déborder le vase de la relégation périurbaine et rurale – et de la dépendance automobile qu’elle suscite – dans lequel se trouve coincée une partie de la population française depuis une vingtaine à une trentaine d’années. Or, tous ces éléments sont des motifs légitimes de colère, mais ils ne sont pas fondamentalement politiques. Si les gilets jaunes qui ont su se politiser sur le tas, poser la question des institutions, de la légitimité, de la représentativité sont nombreux, le motif premier de la révolte est purement économique. Les gilets jaunes ne veulent pas une démocratie directe parce qu’ils estimeraient qu’elle serait le meilleur régime possible, mais parce qu’à leurs yeux cette démocratie leur permettrait avant tout d’obtenir des mesures propres à améliorer leur quotidien. Encore une fois, rien d’illégitime, rien d’incompréhensible, mais il faut simple-