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Page:Création, octobre 2019, 4.djvu/9

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uxquelles ont pu s’agréger des militants ou des marginaux plus politisés. Un blocage durable ? Ainsi, le statu quo n’est plus, au moment où nous écrivons, en passe d’être radicalement bouleversé (ce qui aurait encore pu être le cas, notamment le 8 décembre), même si certains espéraient une reprise du mouvement qui n’a pas eu lieu (ou pas encore ?). La faute à un pouvoir qui a su rebondir, certes non sans casse, mais aussi à la division interne du mouvement. Notons au passage que ces trois mois ont rendu aigu l’absence d’alternative politique : en admettant un renversement de la table, qui installer autour de ladite table et quelles seraient les règles du jeu ? Plus que jamais, le dégagisme est stérile s’il ne s’accompagne d’aucune alternative crédible. L’un des problèmes majeurs de la France contemporaine est de n’avoir d’aucun côté de l’échiquier politique un personnage capable de prendre la suite de Macron avec la certitude qu’il ne fera pas pire. Aussi les Français semblent-ils condamnés à crier leur colère en attendant que quelque chose se passe, mais ce quelque chose semble irrémédiablement devoir venir de l’extérieur du système politique en place… Le pouvoir, n’a quant à lui aucunement l’intention de changer d’orientation (les représentants du gouvernement ont répété que le grand débat ne devait en rien détricoter ce qui avait été fait, et le discours d’Emmanuel Macron à l’issu du grand débat n’était qu’une longue démonstration supplémentaire d’autisme gouvernemental). De grands absents Enfin, si la mobilisation des gilets jaunes a suscité une forte vague de sympathie et a brassé des Français de tous horizons et origines sociales, force est de constater qu’elle a aussi été boudée par certaines catégories de la population. Ainsi les banlieues, qui ne parviennent visiblement pas à s’identifier à la sociologie des gilets jaunes, et s’estiment davantage lésées que les classes moyennes et populaires périphériques (discours que certains médias n’ont pas hésité à relayer complaisamment afin de remettre en cause la légitimité du mouvement). La présence de banlieusards a donc été marginale, ce qui n’est pas sans nous rappeler le constat de François Hollande sur la sécession effective d’une partie du territoire. Mentionnons aussi les cathos qui, sauf exception, ont boudé les manifestations, encouragés par une bonne partie de la hiérarchie épiscopale (en raison notamment des violences émaillant les cortèges). La majorité des deux millions de manifestants de la Manif pour Tous ont tout simplement disparus de la circulation, donnant l’impression de ne se sentir concernée que par des thèmes bioéthiques et moraux, et incapables de se solidariser de leurs compatriotes sur des sujets plus triviaux mais tout aussi graves et qui plus est, partageant des causes communes (le paradigme libéral-libertaire). Fait lourd de signification : si la marche pour le climat a su fraterniser avec les gilets jaunes, la marche pour la vie est restée hermétique au mouvement, et ne semble pas avoir cherché à trouver des ponts entre la sortie annuelle des cathos et la mobilisation des Gilets Jaunes. Le catholicisme social ne semble pas près de renaître, ce que tendrait à confirmer les chiffres du vote des chrétiens aux élections européennes…