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PRÉFACE

pas d’une grande austérité. Chose plus remarquable encore : il paraît qu’il n’eut pas tort d’y croire et que lady Stafford fit une excellente épouse.

Le bonhomme Crébillon bouda quelque temps sa bru, mais il finit par s’attendrir et lui ouvrit paternellement les bras. Le jeune homme connut alors une existence charmante, goûtant à la fois les joies du mariage, de la famille, de la fortune et de la célébrité.

Il était ami de Diderot, de d’Alembert, de Montcrif, de Mme Geoffrin, de la Clairon et du Chancelier Maurepas. Il se lia avec Colli et Piron, et fut parmi les premiers membres du fameux Caveau.

Un jour cependant, une disgrâce soudaine lui rappela la fragilité des jouissances humaines. Mme de Pompadour, qu’on ne s’attendrait pas à trouver si soucieuse de la morale chez autrui, s’émut des passages licencieux qui abondent dans l’œuvre du romancier et s’en plaignit au roi. Louis XV, gardien des bonnes mœurs littéraires, exila le coupable de Paris. Celui-ci se réfugia dans le pays de sa femme, en Angleterre.

Il y était fort goûté : Garrick et Fielding l’admiraient. Sterne disait volontiers : « Avant d’écrire, j’ai lu Rabelais et Crébillon. » Les enthousiastes, on le voit, n’y allaient pas de main morte, mais leurs hyperboles ne tournaient pas la tête au triomphateur, qui était sceptique envers lui-même comme envers les autres.

À son retour d’exil, Crébillon fils reçut, pour