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LE SOPHA

l’épreuve qu’il allait tenter ne lui réussît point, qu’à tromper Almaïde. Heureux s’il eût voulu employer pour se défendre seulement la moitié de l’art qu’il mit à achever de se séduire, ou à se justifier sa séduction !

« Les idées dans lesquelles Moclès était absorbé, ses désirs, les efforts qu’il faisait pour les éteindre, le plaisir avec lequel il s’y livrait, lui donnaient un air si sérieux et si occupé, qu’Almaïde enfin jugea à propos de lui demander ce qu’il avait pour garder si longtemps le silence.

— « Je crains, ajouta-t-elle, que vous ne vous fassiez des idées noires.

— « Vous avez raison ! repartit-il ; et c’est le récit que vous venez de me faire qui me les a fait naître. »

« Almaïde parut étonnée de ce qu’il lui disait.

— « N’en soyez pas surprise, continua-t-il, et ne soyez pas plus choquée de ce que je vais vous dire, tout extraordinaire qu’il sera dans ma bouche. Je suis désolé que ce jeune téméraire, qui vous ménagea si peu, n’ait pas eu le temps d’achever son crime.

— « Ah ! Moclès ! s’écria-t-elle, et pourquoi ?

— « Parce que, répondit-il, vous seriez en état de calmer des doutes qui me tourmentent depuis longtemps, que vous venez de me rendre dans toute leur force, et que notre