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LE SOPHA

doutes, ils n’allassent pas plus loin. Elle y consentit. Bientôt ils s’égarèrent, et, irritant leurs désirs par des choses qui, quoiqu’elles fussent faites sans grâces et avec maladresse, n’en prenaient pas moins d’empire sur leurs sens, ils perdirent de vue le marché qu’ils venaient de faire. Tous deux, trouvant trop ou trop peu dans ce qu’ils sentaient, jugèrent à propos de poursuivre, ou ne purent s’arrêter, et…

— Tout d’un coup vous devîntes autre chose ? interrompit le Sultan.

— Non, Sire, répondit Amanzéi.

— Je ne comprends rien à cela, reprit Schah-Baham, et je sais bien pourquoi : c’est que cela est incompréhensible ; car il n’est pas douteux qu’ils n’eussent tout ce que votre Brahma demandait.

— Je le crus d’abord comme Votre invincible Majesté, repartit Amanzéi ; il fallait pourtant qu’au moins l’un des deux en eût imposé à l’autre.

— J’imagine que vous fûtes bien fâché, répliqua le Sultan ; et, dites-moi, duquel des deux vous défiâtes-vous le plus ?

— Le récit d’Almaïde, répondit Amanzéi, me donna sur elle de grands soupçons ; et l’ignorance qu’elle affecta quand elle se rendit à Moclès, quoiqu’elle fût extrême, ne m’empêcha pas de croire qu’en lui faisant le récit de son aventure, elle avait supprimé la