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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/116

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LE SOPHA

charmes ; avec plus d’éclat encore que Phénime, elle avait la même modestie, et une physionomie si douce que je ne pus la voir sans m’intéresser à elle vivement. À l’air dont elle entra dans le cabinet où j’étais, il semblait qu’elle fût étonnée de la démarche qu’elle faisait ; elle ne parla qu’en tremblant à l’esclave qui la conduisait, et, sans oser lever les yeux, elle vint s’asseoir sur moi en rêvant, mais avec tant de langueur qu’il ne me fut pas difficile de deviner quel était le mouvement qui l’occupait.

« À peine fut-elle seule et livrée à elle-même, que, s’occupant des plus tristes réflexions, après avoir soupiré plusieurs fois, ses beaux yeux répandirent des larmes. Sa douleur paraissait cependant plus tendre que vive, et elle semblait moins pleurer des malheurs qu’en craindre. Elle avait à peine essuyé ses pleurs, qu’un jeune homme fort bien fait et mis superbement entra avec impétuosité, et en chantant, dans le cabinet. Sa présence acheva de troubler la dame ; elle rougit, et en détournant les yeux de dessus lui, et se cachant le visage, elle tâcha de lui dérober la confusion où elle était.

« Pour lui, il s’avança vers elle de l’air du monde le moins tendre et le plus galant, et se jetant à ses genoux :

— « Ah ! Zéphis ! lui dit-il, mes yeux ne me trompent-ils pas ? Est-ce Zéphis que je vois