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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/117

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LE SOPHA

ici ? Est-ce vous ? vous que j’adore, et que je n’osais presque pas y espérer ! Quoi ! c’est vous qu’enfin je tiens dans mes bras ?

— « Oui, répondit-elle en soupirant, c’est moi qui n’aurais jamais dû venir ici ; c’est moi qui meurs de honte de m’y trouver, et qui n’ai cependant pas craint de m’y rendre. »

« Il voulut prendre avec Zéphis les plus tendres libertés ; mais elle se défendit d’un air si vrai, que, ne pouvant plus imaginer que ce fût en elle envie de faire de ces façons auxquelles on ne prend seulement pas garde aujourd’hui, il la regarda avec étonnement.

— « Eh quoi ! Zéphis, lui dit-il, est-ce ainsi que vous me prouvez votre tendresse, et devais-je m’attendre à tant d’indifférence ?

— « Mazulhim, répondit-elle en pleurant, daignez m’écouter ! Je ne suis pas venue ici sans savoir à quoi je m’exposais, et vous me verriez verser moins de larmes si je n’étais pas déterminée à me livrer à votre tendresse : je vous aime, et, si je n’en croyais que les mouvements de mon cœur, je serais entre vos bras. Mais, Mazulhim, il en est encore temps, et nous ne sommes pas encore assez engagés l’un à l’autre pour que vous deviez me cacher vos sentiments. Il n’y a pas de temps où il ne me soit affreux d’apprendre que vous ne m’aimez pas, mais jugez combien j’aurais à me plaindre de vous, jugez quel serait mon état, si je ne l’apprenais qu’après que ma faiblesse