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LE SOPHA

pour lui échapper toujours, que de vivre avec des femmes sans mœurs et sans principes, qui, dans l’instant même qu’elles me séduisaient le plus par leurs agréments, me sauvaient, par leur caractère, du danger d’une passion ? Je suis, dites-vous, accoutumé à l’inconstance par le succès. M’estimez-vous assez peu pour croire qu’avant de vous avoir touchée, je me flattasse d’en avoir eu quelques-uns ? Il n’y a pas une de ces victoires dont, peut-être, vous me croyez si vain, qui intérieurement ne m’ait couvert de confusion ; pas une enfin qu’au prix de tout mon sang je ne voulusse n’avoir point remportée, puisqu’elles me rendent moins digne de vous ! »

« Zéphis, à ces paroles, parut un peu rassurée, et tendit la main à Mazulhim, en attachant sur lui ses beaux yeux, avec cette expression tendre et touchante que l’amour seul peut donner.

— « Oui, Zéphis, continua Mazulhim, je vous aime ! ah ! combien vivement ! Avec quel plaisir je sens, à vos genoux, qu’au milieu même des transports les plus ardents, ce n’était pas à l’amour que je sacrifiais ! Qu’il m’est doux de le connaître, et de ne le connaître que par vous ! Sans vos charmes, même sans vos vertus, j’aurais, sans doute, ignoré toujours ce sentiment auquel, jusqu’à vous, je refusais de me livrer. C’est pour vous seule que je veux en être éternellement rempli !