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LE SOPHA

cieuse. D’ailleurs, c’est que le sentiment n’est pas une chose si consolante, quand cela arrive, qu’on pourrait bien dire. À ce propos, je me souviens qu’un jour (j’étais, parbleu ! bien jeune), c’était une femme. Je ne vous dirai pas comment cela arriva ; nous étions pourtant tous deux… Réellement, je ne m’en serais jamais défié ; ne voilà-t-il pas que tout d’un coup… je ne sais pas trop comment vous dire cela. Eh bien ! j’eus beau lui tenir les propos du monde les plus galants ; plus je lui parlai, plus elle pleura. Je n’ai jamais vu cela qu’une fois ; mais il est vrai que c’était une chose bien attendrissante. Je lui dis pourtant, entre autres choses, qu’il ne fallait désespérer de rien, que je ne l’avais pas fait exprès…

— Eh ! finissez votre cruelle histoire ! interrompit la Sultane.

— Je trouve assez bon, reprit Schah-Baham, qu’il ne me soit point permis de faire un conte, et chez moi, surtout ! De là, comme je vous disais, poursuivit-il, j’ai conclu, et pour jamais, qu’il n’y a point de femme à qui cela ne fasse un certain plaisir ; par conséquent la dame de Mazulhim, qui disait de si belles choses…

— Aurait tout autant aimé n’avoir pas eu à les dire, interrompit la Sultane, cela est probable ; mais sachez pourtant que ce que vous croyez si fâcheux pour une femme, l’afflige moins qu’il ne l’embarrasse.