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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/133

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LE SOPHA

Zéphis mit beaucoup de sentiment, et Mazulhim extrêmement de jargon.

« Peu de temps après, on servit un souper où il avait épuisé la délicatesse et le goût. Zéphis, animée de plus en plus par la présence de son amant, lui dit mille choses fines et passionnées, qui ne me firent pas moins admirer son esprit que sa tendresse. Quoique lui-même fût étonné de tant de charmes, ils n’agissaient pas sur lui aussi vivement que sur moi, et il me parut que son orgueil était plus flatté de la conquête de Zéphis, que son cœur n’était touché de cette passion vive et délicate qu’elle avait pour lui, et dont, malgré ce qu’elle craignait de son inconstance, elle était uniquement remplie.

« Si la possession de Zéphis n’avait pas rendu Mazulhim aussi amoureux qu’elle l’aurait dû, il en était du moins devenu plus vif ; son cœur, inaccessible au sentiment, languissait encore ; toutes les vertus de Zéphis, que l’ingrat louait sans les connaître, et peut-être sans les lui croire, loin de l’attacher à elle, semblaient l’en éloigner et le contraindre. Je ne le voyais pas même ému de l’amour tendre et vrai qu’elle avait pour lui, mais elle commençait à lui inspirer les désirs. Il la regardait avec transport, il soupirait, il lui parlait avec ardeur du bonheur dont il avait joui, et semblait attendre avec impatience que le souper finît.