Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
LE SOPHA

« Cette beauté qui, malgré ses airs enfantins, avait trente ans au moins, s’avança vers Mazulhim avec cette noble indécence qui composait presque toutes ses grâces ; et, sans lui répondre, ni presque le regarder :

— « Vous aviez raison, lui dit-elle, de me dire que votre petite maison était jolie ; mais, ce qu’elle est charmante ! meublée d’un goût ! d’une volupté ! cela est divin !

— « N’est-il pas vrai, répondit-il, que c’est la plus jolie du faubourg ?

— « Ne dirait-on pas à ce propos, répliqua-t-elle, que j’en connais beaucoup ? Ce cabinet-ci est charmant, continua-t-elle, galant au possible !

— « Je suis, dit-il, charmé de vous y voir, et qu’il vous plaise.

— « Oh ! pour moi, répliqua-t-elle, je n’ai peut-être pas fait pour y venir toutes les façons que je devais ; ce n’est pas que je ne sache aussi bien qu’une autre l’art de filer et de mettre de la décence dans une affaire : mais…

— « Vous ne le pratiquez pas, interrompit-il ; oh ! pour cela l’on vous rend justice.

— « C’est que cela est vrai, au moins, reprit-elle, exactement ; je ne suis point fausse. Hier, quand vous me dîtes que vous m’aimiez, et que vous me proposâtes de venir ici… je fus pourtant bien tentée de vous répondre non, mais la vérité de mon carac-