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LE SOPHA

voix, peu étendue, mais flùtée, et dont les sons vont droit au cœur.

— « Il est heureux qu’elle vous plaise ! répondit-elle sans le regarder.

— « Vous ne le croyez peut-être pas, repartit-il ; mais il est vrai pourtant que vous pourriez en être flattée, et que peu de gens s’y connaissent aussi bien que moi. Un autre agrément que je vous trouve, et que je vous dirais si je pouvais à présent vous paraître digne de vous louer, c’est une expression charmante, qui ne laisse rien à désirer par sa vivacité et par sa justesse, et que vos yeux secondent si bien qu’il est impossible de vous entendre sans se sentir remué jusques au fond du cœur. Vous allez me répondre, encore, qu’il est heureux que cela me plaise.

— « Non, répondit-elle, d’un ton plus doux, je ne suis pas fâchée que vous me trouviez des choses aimables, et plus je vous sais connaisseur, plus vos éloges doivent me flatter.

— « Voilà précisément, dit-il, la raison qui me ferait désirer de mériter les vôtres.

— « Ah ! sans doute ! dit-elle.

— « Allez-vous dire que vous ne vous connaissez à rien, répondit-il, et pour mettre le comble à l’injustice, n’imaginerez-vous pas aussi qu’il m’est indifférent que vous pensiez de moi bien ou mal ? Joindrez-vous cette injure à toutes celles que vous m’avez déjà