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LE SOPHA

— « Non pas que je sache, reprit-elle.

— « Vous verrez, dit-il en souriant, que vous n’avez pas non plus compté là-dessus.

— « Enfin, dit-elle, je suis engagée, et il est tard.

— « Voilà une assez bonne folie ! dit-il en la rejetant sur moi, et en voulant encore essayer s’il ne trouverait pas enfin le moyen de lui rendre les heures moins longues.

— « Tenez, Mazulhim, lui dit-elle d’un ton doux, vous m’en croirez si vous voulez, je vous le dis sans colère ; mais le personnage que vous me faites jouer est insoutenable.

— « Plus de bonté de votre part, répondit-il, m’aurait rendu moins à plaindre ; mais vous êtes si peu complaisante !

— « En vérité, reprit-elle, il y aurait aussi trop d’inhumanité à vous ôter la seule excuse qui puisse vous rester. »

« Il lui répondit avec fermeté qu’il en courrait volontiers le hasard.

« Alors elle entra dans ses raisons, pour avoir le plaisir de le combler de tous les torts imaginables. Plus il méritait sa pitié, plus (car elle n’était pas née généreuse) elle se sentait d’indignation. Blessée qu’il eût été si peu sensible à ses charmes, elle semblait l’être encore plus qu’il eût répondu si mal à ses dernières bontés ; sa vanité seule lui faisait soutenir ce qui la blessait si sensiblement. À peine elle s’était flattée du triomphe, qu’elle le voyait