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PRÉFACE

mais spirituel aussi et tout à fait ingénieux. Les scènes galantes dont fut témoin ce Sopha qui a une âme, une âme de vieux philosophe, ne sont point indignes des jolies estampes de ce temps-là, où le libertinage s’accompagne de malice et dont la sensualité avec ses raffinements a très souvent quelque chose de cérébral. Il en est de même chez Crébillon : la grivoiserie se déguise, se voile, et la discrétion avec laquelle elle s’exprime ajoute à la perversité de l’intention. L’auteur a eu le souci de ne rien dire que ce qu’on pouvait se permettre dans la bonne compagnie de son temps, il y a mis tout son soin, et ses allusions les plus hardies se présentent d’abord comme des énigmes qu’il faut deviner. Mais le diable rose du libertinage n’y perd rien.

Le sultan Schah-Baham qui écoute les histoires scandaleuses du Sopha et y ajoute des interruptions pleines de saveur passe pour être Sa Majesté Louis XV en personne. Le roi eut le suprême bon goût de ne s’y point reconnaître et de ne point se fâcher de l’irrévérence. Faisons comme lui et ne traitons pas avec trop de rigueur un des jolis livres du XVIIIe siècle, un de ceux que l’on pourrait appeler les Bijoux indiscrets de cette littérature.

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