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LE SOPHA

« Quelque chose que Zulica eût dite de son peu de sensibilité, l’admiration où Mazulhim paraissait plongé, la vivacité de ses transports, les soins qu’il prenait pour les lui faire partager, l’émurent et la troublèrent.

— « Vous plaindrez-vous ? » lui dit-elle tendrement.

« Il ne lui répondit qu’en voulant lui prouver toute sa reconnaissance : mais Zulica se souvenait encore du peu de fond qu’il y avait à faire sur lui, et redoutant tout de l’égarement dans lequel elle le voyait :

— « Ah ! Mazulhim, lui dit-elle, d’un ton qui marquait toute sa crainte, n’allez-vous pas m’aimer trop ? »

« Quoique Mazulhim ne pût s’empêcher de rire de sa terreur, elle se trouva moins aimée qu’elle ne craignait de l’être.

« Leur bonheur mutuel leur ôta cette contrainte et cet air ennuyé que depuis quelque temps ils avaient l’un avec l’autre. Leur conversation s’anima ; Zulica, qui croyait avoir délivré Mazulhim des mains des enchanteurs, s’applaudissait de l’ouvrage de ses charmes, et Mazulhim, plus content de lui-même, s’abandonnait aussi à son enjouement.

« Comme ils étaient dans ces heureuses dispositions, on vint servir ; leur repas fut gai.

« Mazulhim, moins touché encore l’après-souper des charmes de Zulica qu’il ne l’avait