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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/175

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LE SOPHA

doute il m’abandonne ? Ah ! ne craignez point de me l’apprendre.

— « Eh bien ! oui, Madame, répondit l’Indien ; il serait inutile de vous le cacher, Mazulhim ne vous aime plus.

— « Il ne m’aime plus ! s’écria-t-elle douloureusement ; ah ! ce coup me tue ! L’ingrat ! Était-ce là le prix qu’il réservait à ma tendresse ? »

« En finissant ces paroles, elle fit encore quelques exclamations et joua tour à tour les larmes, la fureur et l’abattement. L’Indien, qui la connaissait, ne s’opposait à rien, et feignait toujours d’être pénétré d’admiration pour elle.

— « Je sens que je me meurs, Monsieur, lui dit-elle, après avoir longtemps pleuré ; ce n’est point à un cœur aussi sensible, aussi délicat que le mien, qu’on peut porter impunément d’aussi rudes coups. Mais qu’aurait-il donc fait, si je l’avais trompé ?

— « Il vous aurait adorée, répondit l’Indien.

— « Je ne conçois rien, reprit-elle, à ce procédé ; je m’y perds. Si l’ingrat ne m’aimait plus, et qu’il craignît de me l’annoncer lui-même, ne pouvait-il pas me l’écrire ? Romprait-on plus indignement avec l’objet le plus méprisable ? Pourquoi encore faut-il que ce soit vous qu’il choisisse pour me le faire dire ?