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LE SOPHA

— « Je ne vois que trop, répliqua l’Indien, que le choix du confident vous déplaît plus encore que la confidence même, et je puis vous jurer que connaissant, comme je fais, votre injuste aversion pour moi, vous ne m’auriez pas vu ici, si Mazulhim m’avait nommé la dame à laquelle il me priait de porter ses excuses. C’est donc fort innocemment, ajouta-t-il, que je contribue à vous donner le chagrin que vous puissiez recevoir, et que je me trouve mêlé dans des secrets que sûrement vous aimeriez mieux voir entre les mains de tout autre qu’entre les miennes.

— « Je ne sais ce qui vous le fait croire, répondit-elle d’un air embarrassé ; les secrets de la nature de celui dont vous vous trouvez aujourd’hui possesseur, ne se confient ordinairement à personne : mais je n’ai point de raisons particulières…

— « Pardonnez-moi, Madame, interrompit-il vivement, vous me haïssez ; je n’ignore pas qu’en toute occasion mon esprit, ma figure et mes mœurs ont été l’objet de vos railleries, ou de votre plus sévère critique.

— « Moi ! Monsieur, dit-elle en rougissant, je n’ai jamais rien dit de vous dont vous puissiez être fâché. D’ailleurs à peine nous connaissons-nous ; vous ne m’avez jamais donné sujet de me plaindre de vous, et je ne me crois pas assez ridicule…