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LE SOPHA

monde, l’air noble et aisé, l’esprit vif, léger, amusant.

— « Oui, reprit-elle, je ne nie point qu’il ne soit une bagatelle assez jolie ; mais, après tout, il n’est que cela, et de plus je vous assure qu’il s’en faut beaucoup qu’il soit aussi amusant qu’on le dit. Entre nous, c’est un fat, d’une présomption, d’une suffisance !…

— « Je pardonne un peu d’orgueil à un homme assez heureux pour vous avoir plu, interrompit Nassès ; on en prend à moins tous les jours.

— « Mais, Nassès, répondit-elle, pour un homme qui me dit qu’il m’aime, et qui veut que je le croie apparemment, vous me tenez de singuliers propos.

— « Tout odieux que vous est à présent Mazulhim, répondit Nassès, il vous l’est encore moins que moi, et je croirais risquer plus à vous parler d’un amant que vous n’aimerez jamais que je ne fais à vous entretenir d’un que vous avez si tendrement aimé. Il vous occupe encore si vivement que jamais je ne prononce son nom, que vos yeux ne se mouillent de larmes ; actuellement encore ils s’en remplissent, et vous voulez en vain me les cacher. Ah ! retenez vos pleurs, aimable Zulica, s’écria-t-il ; ils me percent le cœur ! Je ne puis, sans un attendrissement qui me devient funeste, les voir couler de vos yeux. »

« Zulica, qui depuis quelque temps n’avait