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LE SOPHA

pas envie de pleurer, ne put entendre ce discours sans se croire obligée de verser de nouvelles larmes. Nassès, qui se divertissait de tout le manège qu’il lui faisait faire à son gré, la laissa quelque temps dans cette douleur affectée. Cependant, pour ne pas perdre ses moments auprès d’elle, il s’amusa à lui baiser la gorge qu’elle avait extrêmement découverte. Elle fut assez longtemps sans daigner songer à ce qu’il faisait, et ce ne fut qu’après lui avoir laissé là-dessus entière liberté, qu’elle s’avisa d’y trouver à redire.

— « Vous n’y pensez pas. Nassès, lui dit-elle, ayant toujours un mouchoir sur ses yeux ; voilà des libertés qui me blessent, vraiment !

— « Je le crois, répondit-il, n’allez-vous pas prendre cela pour une faveur ? Regardez-moi donc, ajouta-t-il, que je voie vos yeux.

— « Non, reprit-elle ; ils ont trop pleuré pour être beaux.

— « Sans vos larmes, répliqua-t-il, vous me paraîtriez bien moins belle. Écoutez-moi, continua-t-il ; l’état où je vous vois m’afflige ; je veux absolument que vous vous en tiriez. Je vous ai prouvé la nécessité où vous êtes d’aimer encore, et je vais, autant qu’il me sera possible, vous prouver actuellement que c’est moi qu’il faut que vous aimiez.

— « Je doute, répondit-elle, que vous y réussissiez.