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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/185

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LE SOPHA

gal, et qui, au reste, n’empêchera point du tout que vous ne m’aimiez. Je vous en avertis.

— « Si ce n’est pas elle qui m’en empêche, répondit-elle… Mais pourquoi me demander de l’amour ? Ne vous ai-je pas promis de l’amitié ?

— « Sans doute, répliqua-t-il, l’effort est généreux ! Il est constant que, si je ne vous aimais pas, je vous tiendrais quitte pour cela, et peut-être même à moins, mais les sentiments que j’ai pour vous ne peuvent être payés que par le plus tendre retour de votre part, et je puis jurer que je n’oublierai rien pour vous inspirer toute l’ardeur que je vous demande.

— « Je vous proteste aussi, répondit-elle, que je n’oublierai rien pour m’en défendre.

— « Ah ! ah ! dit-il, vous voulez prendre des précautions contre moi, j’en suis charmé, ce m’est une preuve que vous me croyez dangereux. Vous avez raison. En vous aimant comme je le fais, je le serai pour vous plus que personne. Avec une femme moins estimable que vous, je ne serais pas si sûr de ma victoire.

— « Cependant, reprit-elle, plus je suis estimable, plus je résisterai.

— « Tout au contraire, répliqua-t-il, les coquettes seules coûtent à vaincre ; on leur persuade aisément qu’elles sont aimables, mais on ne les touche pas de même, et, de toutes