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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/186

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LE SOPHA

les conquêtes la plus aisée, c’est celle d’une femme raisonnable.

— « Je ne l’aurais assurément pas cru, dit-elle.

— « Rien n’est pourtant plus vrai, répondit-il. Vous ne pouvez pas douter que je ne vous aime, vous, par exemple. Répondez : en doutez-vous ? Soyez de bonne foi !

— « Je viens d’être si sottement crédule, repartit-elle, que je crois qu’on ne me persuadera de longtemps.

— « Mais, Mazulhim à part, insista-t-il, qu’en croyez-vous ? »

« Elle répondit qu’elle croyait qu’il ne la haïssait pas ; il s’obstina, et enfin obtint d’elle qu’elle était persuadée qu’il l’aimait.

— « Et vous, poursuivit-il, vous ne me trouvez plus odieux ?

— « Odieux ! dit-elle ; non, sans doute : je puis vouloir être indifférente, mais je ne veux plus être injuste.

— « Vous croyez que je vous aime, s’écria-t-il, vous ne me haïssez pas, et vous imaginez que vous me résisterez longtemps, vous, avec cette vérité que vous avez dans le caractère ? Vous vous flattez que vous pourrez me rendre malheureux, lorsque vos propres désirs vous parleront en ma faveur ; que vous fixerez un temps pour céder, et que ce ne sera que lorsqu’il sera arrivé que vous croirez pouvoir vous rendre avec décence ? Non, Zulica, non !