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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/187

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LE SOPHA

j’ai meilleure opinion de vous que vous-même. Vous n’aurez point assez de fausseté pour vouloir désespérer un amant que vous aimez ; vous ignorez l’art perfide de me conduire de faveur en faveur, jusqu’à celle qui doit à jamais combler et ranimer mes désirs ; l’instant où je vous attendrirai sera celui où je mourrai de plaisir entre vos bras, et cette bouche charmante, » ajouta-t-il avec transport…

— Fort bien, cela, fort bien ! interrompit le Sultan ; vous me tirez d’une grande peine. Ma foi ! je commençais à craindre que cela ne fût jamais. Ah ! la sotte créature que cette Zulica, avec ses façons !

— En effet, dit la Sultane, il faut convenir qu’on ne peut pas faire attendre des faveurs plus longtemps. Comment donc ! résister une heure ! Cela est sans exemple !

— Ce qu’il y a de vrai, répondit le Sultan, c’est que cela m’ennuyait autant que s’il y eût eu quinze jours, et que pour peu qu’Amanzéi eût encore retardé la chose, je serais mort de chagrin et de vapeurs, mais qu’auparavant il lui en aurait coûté la vie, et que je lui aurais appris à faire périr d’ennui une tête couronnée.

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