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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/192

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LE SOPHA

à ne les devoir qu’à moi-même. Plus on pense bien d’une femme, plus on est forcé d’être coupable auprès d’elle de trop de hardiesse, rien n’est si vrai.

— « Je n’en crois pas un mot, répondit Zulica ; mais quand ce que vous venez de me dire serait vrai, c’est toujours une règle établie de ne pas recommencer l’aveu de ses sentiments par des façons aussi singulières que celles que vous avez.

— « Supposez que j’eusse brusqué les choses autant que vous le dites, répliqua-t-il, ce serait encore une attention pour vous, dont vous devriez me remercier.

— « Non, reprit-elle avec impatience, vous avez dans l’esprit des opinions d’une bizarrerie dont rien n’approche !

— « Il est plaisant, reprit-il, que ces opinions que vous traitez de bizarres soient toutes fondées en raison. Celle que vous me reprochez actuellement est d’une vérité que sûrement je vous ferai sentir, car non seulement vous avez de l’esprit, mais encore vous l’avez juste, mérite assez rare dans votre sexe pour que l’on puisse vous en féliciter.

— « Le compliment ne me séduit pas, dit-elle d’un ton brusque, et je vous avertis que je n’en fais que le cas que je dois.

— « C’est sans doute un désagrément pour moi, répondit-il, de vous voir si peu sensible aux discours obligeants que je vous tiens.