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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/195

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LE SOPHA

vous. D’accord tous deux, nous imposerons au public sur nos affaires, tant que nous le jugerons à propos ; persuadé que vous me détestez, il ne pourra jamais imaginer que, d’un sentiment qui lui est si contraire, vous ayez passé si rapidement à l’amour. Il vous sera facile, au reste, d’amener naturellement notre réconciliation. À la cour, ou chez la première princesse où nous nous trouverons ensemble, vous saisirez quelque occasion que ce soit de me faire une politesse ; ne vous inquiétez pas de la conjoncture, j’aurai soin de la faire naître. Je répondrai avec empressement à ce que vous m’aurez dit d’obligeant, je parlerai tout haut de l’envie que j’ai que vous ne me haïssiez plus. Je vous ferai même proposer, par quelqu’un de nos amis communs, de vouloir bien que je vous voie ; vous direz que vous le voulez bien : je me ferai présenter à vous, je retournerai vous voir, je vanterai les charmes de votre commerce, et le malheur que j’ai eu d’en avoir été si longtemps privé. Il n’en faudra pas davantage pour justifier mes empressements : ils paraîtront simples et naturels, et nous aurons d’autant plus de plaisir à nous aimer, que nous jouirons de celui de le cacher à tout le monde.

— « Non, répondit-elle en rêvant : si je vous rendais si promptement heureux, je craindrais trop votre inconstance. J’avoue que je ne serais pas fâchée de lier avec vous