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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/196

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LE SOPHA

un commerce fondé sur plus d’estime, de confiance et d’amitié qu’on n’en trouve ordinairement dans le monde ; je vous dirai plus : je ne haïrais pas l’amour si un amant pouvait n’exiger d’une femme que l’aveu de sa tendresse.

— « Ce que vous demandez, reprit-il tendrement, est une chose plus difficile avec vous qu’avec quelque femme que ce puisse être. J’avoue aussi que, quelque peu que vous accordiez, on doit en être plus flatté que d’obtenir tout d’une autre. Mais, Zulica, croyez-moi, je vous adore ; vous m’aimez ; faites le bonheur de l’homme du monde qui ressent pour vous la passion la plus vive !

— « Si vous saviez borner vos désirs, répondit-elle avec émotion, et que ce que l’on pourrait vous accorder ne fût pas pour vous un droit de demander davantage, on pourrait essayer de vous rendre moins malheureux ; mais…

— « Non, Zulica, interrompit-il vivement ; vous serez contente de mon obéissance. »

« Sur cette parole que Zulica sentait bien aussi périlleuse qu’elle l’était, elle se pencha nonchalamment sur Nassès, qui, se précipitant sur elle, usa sans ménagement des faveurs qui venaient de lui être accordées.

— « Ah ! Zulica ! lui dit-il tendrement un moment après, ne sera-ce qu’à votre complaisance que je devrai d’aussi doux instants, et