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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/201

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LE SOPHA

cher un cœur où vous trouvez toujours plus de remords que de tendresse, et dont vous ne jouissez jamais parfaitement.

— « Eh bien ! répondit-elle, ces femmes-là, toutes ridicules qu’elles sont, ont encore des partisans ; et moi qui vous parle, il n’y a pas bien longtemps que je pensais comme elles.

— « Vous ! répliqua-t-il, mais savez-vous bien que vous avez tous les préjugés qu’on peut avoir ?

— « Cela se peut, reprit-elle, mais actuellement j’en ai un de moins, car je crois aux coups de sympathie.

— « Quant à moi, dit-il, je sais qu’ils sont fort communs. Je connais même une femme qui y est si sujette, qu’elle en trouve ordinairement trois ou quatre dans la journée.

— « Ah ! Nassès, s’écria-t-elle, cela n’est pas possible !

— « Quand vous diriez simplement que cela n’est pas ordinaire, savez-vous bien, repartit-il, que vous vous tromperiez encore, et qu’une femme qui a le malheur d’être née fort tendre (si pourtant c’en est un) ne peut pas répondre un moment d’elle-même ? Je vous suppose, vous, dans la nécessité de m’aimer : que ferez-vous ?

— « Je vous aimerai, répondit-elle.

— « Hé bien ! supposez à présent, continua-t-il, une femme qui soit dans la nécessité d’aimer par jour trois ou quatre hommes.