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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/202

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LE SOPHA

— « Je la trouve bien à plaindre, dit-elle.

— « Soit ! j’en conviens ; mais que voulez-vous qu’elle fasse ? Qu’elle fuie, me direz-vous ? Mais on ne va pas loin dans une chambre ; quand on s’y est promené quelque temps, on est lassé, il faut se rasseoir. Cet objet, qui vous a frappé, est toujours présent à vos yeux. Les désirs se sont irrités par la résistance qu’on a faite, et la nécessité d’aimer, loin d’en être diminuée, n’en est devenue que plus pressante.

— « Mais, répondit-elle en rêvant, en aimer quatre !

— « Puisque le nombre vous choque, répliqua-t-il, j’en ôte deux.

— « Ah ! dit-elle, cela devient plus vraisemblable, et plus possible même.

— « Que de façons pourtant n’avez-vous pas faites, s’écria-t-il, pour n’en aimer qu’un !

— « Taisez-vous, lui dit-elle en souriant ; je ne sais où vous prenez tous les raisonnements que vous me faites, et où je prends, moi, toutes les réponses que je vous fais.

— « Dans la nature, répondit-il. Vous êtes vraie, sans art ; vous m’aimez assez pour ne vouloir rien me cacher de ce que vous pensez, et je vous en estime d’autant plus qu’il y a bien peu de femmes qui aient autant de vérité dans le caractère. »

« Avec tous ces propos, et quelques autres qui ne furent pas plus intéressants, Nassès