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LE SOPHA

pour que celle-ci vous paraisse telle, et je sais que plus d’une femme…

— « Laissons cela, interrompit-elle, je n’ai jamais disputé sur les choses qui ne m’intéressaient pas. Au reste, c’est, à ce qu’il me semble, moins à vous qu’à Mazulhim à tâcher de faire recevoir cette opinion. »

« Lorsque Nassès et Zulica furent devenus plus raisonnables, Zulica en le regardant tendrement :

— « Vous êtes charmant, Nassès, lui dit-elle : ah ! pourquoi ne vous ai-je pas aimé plus tôt !

— « Vous devez moins vous en plaindre que moi, répondit-il, moi, dis-je, à qui chaque instant fait sentir que je n’ai commencé de vivre que depuis que vous m’avez aimé. Lorsque je songe à quelles beautés Mazulhim a fermé les yeux, que je le plains ! Quoi ! Zulica, dans ces lieux où nous sommes, dans ces mêmes lieux que vos bontés pour moi me rendent aussi chers que celles que vous y avez eues pour lui me les ont d’abord fait trouver odieux, l’ingrat a pu ne pas rougir d’en avoir aimé d’autres, et renoncer pour jamais à son inconstance ! Quel génie, quel dieu même veillait pour moi, lorsque, après l’avoir rendu insensible à tant de charmes, il lui inspira le dessein de me choisir pour vous apprendre sa perfidie ? Ah ! Zulica ! quel n’aurait pas été mon malheur, s’il vous avait été fidèle, ou si quelque autre que moi…