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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/213

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LE SOPHA

— « Arrêtez ! interrompit majestueusement Zulica : s’il m’avait été fidèle, je n’aurais jamais aimé que lui, mais pour le bannir de mon cœur il ne fallait pas moins que Nassès.

— « Je crois, puisque vous m’avez choisi, répondit-il, que j’étais en effet le seul qui pût vous plaire ; mais quand je songe à l’état où vous étiez ici, à ce que pouvait exiger de vous un étourdi que Mazulhim vous aurait envoyé, à quel prix, peut-être, il aurait mis son silence, je ne puis m’empêcher de frémir.

— « Je ne vois pas bien pourquoi, répondit-elle. Ne voulant rien accorder, il m’aurait été assez indifférent que l’on eût exigé quelque chose.

— « Vous n’en pouvez pas répondre, dit-il ; il y a pour les femmes de terribles situations, et celle où je vous ai vue était peut-être une des plus affreuses…

— « Tant qu’il vous plaira, interrompit-elle ; mais je vous prie de croire qu’il est bien moins cruel, pour une femme qui a des sentiments, d’être abandonnée d’un homme qui l’aime que de se livrer à quelqu’un qu’elle n’aime pas.

— « Cela n’est pas, douteux, répliqua-t-il ; mais c’est une terrible chose que d’être prise dans une petite maison. Je ne sais pas, si j’étais femme, et que cela m’arrivât, ce que je