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LE SOPHA

qu’un jour vous me feriez un crime de n’avoir pas assez longtemps résisté.

— « Mais quelle idée est donc la vôtre, Zulica ? répondit-il en se rapprochant d’elle ; moi, vous reprocher d’avoir fait mon bonheur ! Pouvez-vous le croire ? Moi qui vous adore, ajouta-t-il en n’oubliant rien de tout ce qui pouvait lui prouver qu’il disait vrai.

— « Laissez-moi, lui dit-elle en le repoussant faiblement ; laissez-moi ! S’il est possible, oubliez combien je vous ai aimé ! »

« La résistance de Zulica était si douce que, quand les empressements de Nassès auraient été moins vifs, ils en auraient encore triomphé.

— « Vous ? cesser de m’aimer ! lui disait-il d’un air tendre, en ajoutant à ce discours tout ce qui pouvait le rendre plus persuasif ; vous qui devez faire éternellement mon bonheur ! Non, votre cœur n’est point fait pour me haïr, quand le mien ne garde que pour vous ses plus tendres sentiments !

— « Non, répondit Zulica, d’un ton qui commençait à ne pouvoir plus marquer de la colère, non, traître que vous êtes ! Vous ne me tromperez plus. Ciel ! ajouta-t-elle plus doucement encore, n’êtes-vous pas le plus injuste et le plus cruel des hommes ? Ah ! laissez-moi… Non, vous ne me persuadez plus… Je ne dois pas vous pardonner… Que je vous hais ! »