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LE SOPHA

j’y devrais céder. Vous me saurez peut-être moins de gré de l’aveu qu’enfin vous m’arrachez, que vous ne m’en voudrez de mal de vous l’avoir refusé si longtemps. Vous aurez tort. Vous ne devez pas ignorer qu’il est plus aisé d’inspirer un nouveau goût à une femme que de la faire convenir de ceux qu’elle a eus. Je ne sais si c’est par fausseté que quelques-unes pensent ainsi, mais pour moi, je puis vous jurer que mon silence n’était pas fondé sur un aussi indigne motif. Je crois qu’il est impossible que l’on se rappelle avec plaisir une faiblesse qui, loin de se retracer à votre imagination avec les charmes qu’elle avait autrefois pour vous, ne s’y présente jamais qu’accompagnée des remords qu’elle vous causé, ou du souvenir douloureux des mauvais procédés d’un amant.

— « Cela est exactement vrai, dit Nassès ; une femme délicate est bien à plaindre ! »

— Fort bien ! dit le Sultan : mais, pour le plaisir que je prends à vous entendre, je désire que vous remettiez à demain la suite (car je n’ose encore dire la fin) de cette inouïe conversation.

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