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LE SOPHA

prince ne vous entretenant jamais que du mauvais état de sa santé (que vous connaissiez pour être plus déplorable encore qu’il ne disait), le vizir étant trop occupé des affaires de l’État pour l’être de vos charmes autant qu’il l’aurait dû, et ne vous amusant jamais que des détails de sa profonde politique, et l’émir des grandes actions qu’il avait faites à la guerre, vous vous étiez dégoûtée de trois personnages plus importants qu’aimables. On ose ajouter que, sachant combien il est dangereux à la cour de se faire des ennemis, vous leur aviez laissé ignorer vos dispositions à leur égard ; et que, forcée de les ménager, vous vous étiez, avec tout le mystère possible, jetée entre les bras du jeune Vélid, qui, moins grand, moins profond, moins guerrier, mais plus agréable que ses rivaux, vous avait lui seul, pendant quelque temps, dédommagée de l’ennui qu’ils vous causaient. On dit encore que, voyant Vélid moins amoureux, et ayant besoin pour réveiller son ardeur de lui donner de l’inquiétude, vous aviez pris Jemla ; que Vélid, fâché de se voir un rival, et vous épiant avec soin, avait enfin découvert les trois autres, et que toute cette affaire, jusque-là si judicieusement conduite, avait fini pour vous par l’éclat le plus injurieux, et vous avait donné les plus cruelles et les plus publiques mortifications.

— « Ah ! c’en est trop ! interrompit Zulica en se levant, et je vais…