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LE SOPHA

— « Un moment encore, s’il vous plaît, Madame ! dit Nassès, en la retenant ; on a poussé l’impudence jusqu’à me dire que, voyant que les affaires réglées ne vous réussissaient pas, haïssant l’amour, mais tenant encore aux plaisirs, vous ne vous étiez plus permis que des amusements passagers, assez agréables pour remplir vos moments, mais jamais assez vifs pour intéresser votre cœur. Sorte de philosophie qui, pour le dire en passant, n’a pas laissé de faire quelque progrès dans ce siècle-ci, et dont il serait aisé de démontrer la sagesse et l’utilité, si c’était ici le temps de le faire. »

« À la fin de ce récit, Zulica se mit à pleurer de fureur, et Nassès, feignant de ne s’en pas apercevoir, continua ainsi :

— « Vous concevez bien que je vous rends trop de justice, que je vous connais trop à présent pour croire absolument tout ce qu’on m’a dit.

— « Vous me faites trop de grâce ! répondit-elle.

— « Non, reprit-il modestement, ce que je fais pour vous est tout simple, et pour savoir l’opinion que je dois en avoir, je n’ai qu’à consulter la façon dont vous vous êtes rendue à mes désirs ; mais en ne croyant pas tout, vous sentez bien aussi qu’il est impossible que je ne croie rien.

— « Pourquoi donc ? lui demanda-t-elle ;