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LE SOPHA

tout ce qu’on vous dit est si probable que je ne puis concevoir que vous vouliez avoir pour moi un ménagement si déplacé.

— « Je crois donc seulement, reprit-il…

— « Ah ! croyez tout, Monsieur, interrompit-elle, croyez tout, et ne nous revoyons jamais !

— « Quand vous le mériteriez, répondit-il, c’est un effort dont je ne serais pas capable ! Jugez si, en vous croyant innocente, je pourrais prendre assez sur moi, être assez barbare pour faire ce que vous semblez me conseiller.

— « Non, non, Monsieur ! répliqua-t-elle ; vous croyez tout ce qu’on vous a dit, vous le croyez, et vous ne valez pas la peine que je vous désabuse.

— « Ainsi donc, reprit-il, nous allons être brouillés ! Une même soirée aura vu naître et finir votre ardeur ; car je ne parle pas de la mienne, ajouta-t-il en soupirant, je ne sens que trop qu’elle sera éternelle !

— « Oui, Monsieur, répondit Zulica, oui, nous serons brouillés, et pour jamais !

— « Pour jamais ! s’écria-t-il, c’est-à-dire que vous me quittez aussi promptement que vous m’avez pris ? C’est, en honneur, une chose que je ne croyais pas possible. Mais comment cette constance si prodigieuse dont vous vous piquez, cette âme si délicate sur le sentiment, peuvent-elles s’accommoder d’un